dimanche, mars 19, 2006

Mon blog


On the road again ...

Cela fait trois ans, déjà, que j'arpentais avec Florian, mon frère de selle, les routes montagneuses de la Grêce.

Trois ans... Ah! Que le temps passe vite ! Tant de choses à faire et si peu de temps !

Et, pendant ces trois années, pas un moment de tranquille pour méditer, pour revenir aux sources. C'est sur ces considérations fondamentales que j'ai entrepris ce voyage baptisé "on the road again...". Pourquoi utiliser l'anglais, penses-tu, ô lecteur au sens critique sur-développé? Mais tout simplement parce que ça sonne mieux. Si j'avais écrit "à nouveau sur la route...", ou bien "Un autre voyage à vélo...", cela aurait été un peu terne, ne penses-tu pas? Alors qu'en anglais, tout de suite, il y a un petit parfum exotique qui rend la chose plus mystérieuse, plus aventurière...

Tout commence donc le 4 janvier 2006 lorsque ma mère dévouée me dépose à l'aéroport d'Orly-Sud vers minuit. L'avion devant décoller à 6h, et l'enregistrement se faisant à 4h, la solution la plus pratique consistait à dormir à l'aéroport. Le visage fatigué je présente mon vélo à l'enregistrement, m'étant bien entendu renseigné au préalable qu'il était possible de le transporter. Après m'être acquitté de la taxe de 35 euros pour le vélo, et l'avoir rendu le plus plan possible en enlevant les pédales et en tordant le guidon, je le remet à l'agent de la compagnie aérienne, après lui avoir fait mille recommandations au sujet de cet objet si sentimental mais surtout si utile dans les deux semaines qui vont venir...

Il le dépose sur un grand tapis pour objet encombrants. Et voilà que la bicyclette se coince immédiatement! La décoincer n'est pas un jeu d'enfant, et il n'est en aucun cas possible de marcher sur le tapis car celui-ci ne peut pas être débrayé (à moins d'utiliser l'arrêt d'urgence, mais alors il se bloque, par sécurité, pendant 15 ou 30 minutes...), ce qui est ennuyeux pour les voyageurs suivants.

Finalement, on réussit à l'enlever et il faut la porter à 300 mètres de là sur un autre tapis encore plus large... Le vélo disparaît enfin dans le ventre de l'aéroport et tout semble donc OKman.

Je me dirige fatigué vers la porte d'embarquement et m'affale sur un fauteil. 30 minutes avant le décollage, un haut parleur m'invite à me présenter à l'hôtesse. Il y a eu un problème avec mon "bagage". Il faut se présenter à la sécurité. Un autre agent m'accompagne à l'autre bout de l'aéroport, vers un policier qui prend l'air embêté et me dis "Monsieur, je suis vraiment désolé, c'est vraiment une histoire bête".
Dans mon esprit, tout s'accélère ! Mon pauvre vélo! Il a été écrasé par un car! Il est en mille morceaux ! Il gît, quelque part, dans la poussière !
Mais en fait, il n'y a rien de tout cela. Un chien de policier très consciencieux a tout simplement senti une odeur qui lui déplaisait (un autre chien qui aurait uriné sur la roue de mon vélo?) et la procédure veut que le propriétaire du bagage "marqué" (c'est le terme) signe un papier. Le policier se confond en excuse et on me renconduit à la porte d'embarquement. OUF !

Je vois que je m'égare en détails futiles et me rappelle soudain que ce que désire, avant tout, le cher lecteur de ce blog, c'est de voir des photos. Aussi, la suite de la journée est la suivante:
* arrivée sans encombre. Récupération du vélo, entier.
* Remontage du vélo dans l'aéroport.
* Hésitation entre partir immédiatement vers la montagne ou se reposer à Marrakech l'après midi. Deuxième solution retenue.
* Choix d'un hotel près de la place Jemal El Fna. Voir photo ci-dessous de la chambre, qui fait moins de deux fois la surface du lit:


Hotel près de la Place Jemal El Fna, Marrakech.


Le hasard voulut que, dans la chambre d'à côté, un certain John, lui aussi cycliste, résida cette nuit là. A 57 ans, il a voyagé depuis l'âge de 17 ans dans le monde entier et n'a pas de domicile. Nous discutons longtemps de tout et de rien, et surtout de politique étrangère sur laquelle il a un point de vue bien personnel et très intéressant, et il m'indique quelques routes qu'il a trouvées superbes. Rencontre très intéressante.

Le lendemain, réveil à 6h40. Petit-déjeuner avec John puis départ vers Asni. En chemin, je me renseigner sur le dénivelé. "C'est tout plat, m'assure-t-on". En pratique, il y a 800 mètres de dénivelé positif. Je ne ferai que 50 kilomètres ce jour là.

Au bas de la première côte, on peut lire dans mes yeux le grand calme intérieur

qui m'habite, malgré un entraînement en pointillé ces 3 dernières années

Je m'installe dans une auberge de jeunesse. Plus tard, un mec vraiment très sympa vient me voir et on discute une bonne heure de tout et de rien. Puis il m'invite à dîner chez lui, un bon poulet. Nous discutons bien 3 heures, de pièces de monnaies anciennes dont il est passionné. A la fin du repas, il me montre des bijoux qu'il troque dans les montagnes avec des femmes berbères. Il essaye de m'en vendre en m'assurant que c'est de l'argent massif. Pas de poinçon soit-disant pour ne pas payer de taxes. Je m'intéresse à 3 bracelets, il me promet une nouvelle fois que c'est de l'argent et je les lui achète. Quelques jours plus tard, j'acquérerai la certitude, par un test à l'acide chez un bijoutier, que ces bijoux ne sont pas en argent, pas même plaqué. Cher lecteur, si tu vas à Asni, méfie toi !

Le lendemain, sur le vélo à 6h30 pour le Tizi-N-Test. Départ à 1100 mètres, arrivée à 2100 mètres, et 500 mètres de descente, ce qui fait donc 1500 mètres de dénivelé positif. Route superbe avec très peu de voitures. A la fin, épuisé, je pousse le vélo. Arrivée vers 17h, quasiment pas de pauses. Environ 90 kilomètres parcourus.

Sur les côtés de la route, des cultures en terrasse

avec de jolies pelouses bien vertes et des amandiers en fleurs.

Au col du Tizi N Test, 3 hommes tiennent un petit restau qui fait aussi hotel avec "douches chaudes" (c'est indiqué sur la pancarte). En fait de douches chaudes, on apporte une grande cafetière d'eau bouillante et un seau d'eau froide... On fait son mélange. Et, comme il fait bien froid dehors, la douche se fait dans les toilettes, assez crades. Pieds nus ou pas pieds nus ? Mais je n'ai pas de sandales ! Alors en chaussettes !

La nuit coûte 5 euros ce qui est très cher par rapport au service et au pays, mais bon. Je suis le seul client de la journée et peut-être des jours qui vont venir, c'est avec mes 5 euros que les 3 compères vont se nourrir.

Au coucher du soleil, une étonnante et superbe superposition de

montagnes, en demi-teintes, un peu comme une estampe japonaise.


Une voiture redescend du col, à la tombée de la nuit.

Le lendemain, la route vers Taroudannt est bien douloureuse, malgré la descente de 2100 mètres à 500 mètres, dont 30 kilomètres sans pédaler du tout. Les cuissots sont un peu rouillés, un peu tétanisés encore, malgré les longs étirements. Ils ont beaucoup donné hier. Mais c'est surtout un mal de cul lancinant, aigu, contre lequel on ne peut rien faire d'autre que s'arrêter, qui me paralyse et me fait râler à tue-tête: "j'ai mal au cul ! j'ai mal au cul ! ". Même si les 30 kilomètres de descente forte se sont faits sur une fesse puis l'autre, et que j'ai ainsi préservé mon derrière le plus longtemps possible, j'arrive péniblement à Taroudannt vers 15h, après une cinquantaine de kilomètres sur un faux plat en descente. Sur la fin, je m'arrête tous les 3 kilomètres. Et pourtant, même le vent est avec moi (pour une fois).

Les remparts de Taroudannt

C'est le 9 mars, jour de mon 27 ème anniversaire, fêté une semaine avant en famille. Je m'attable néanmoins dans le meilleur restaurant de la ville, qui est aussi le seul à proposer du vin. Le lendemain, je ne fais pas de vélo mais lis toute la journée dans la chambre d'hotel.

Le 11 mars, je reprend le vélo, en direction d'Igherm. La route est superbe et peu passante. Et n'en finit pas de monter. En tout, environ 1500 mètres de montée. Puis, le lendemain, 120 kilomètres de vélo jusqu'à Tata. J'ai généralement mal au cul en fin de journée mais c'est supportable.

Des montagnes en "accents circonflexes".


Un troupeau de chameaux sur le bord de la route

Après Tata, je prend un bus jusqu'à Foum-Zguid. La route était belle et j'aurais pu la faire en vélo mais le temps tourne... A Foum-Zguid, je prends une land-rover jusqu'à Zagora. Au total, 18 personnes dans la land-rover et 4 sur le toît. Je suis écrasé entre un Berbère et un allemand, très sympathique par ailleurs; il ne prend aucunes photos, mais dessine tout, c'est très joli.

A Zagora, retour sur le vélo. Direction Nekob...

... que je dépasse et prends la piste en direction du col Tizi N Tazazert. Une voiture toutes les heures au maxi, paysage superbe. Je dors sur le bord de la piste. Des petites filles nomades viennent me voir. Elles ont attrappé des caméléons (ou des iguanes ???), qu'elles s'apprêtent à manger. Oui, vous avez bien lu, à manger!

Le plus gros des supposés caméléons me regarde d'un oeil nostalgique. Il se remémore les jours heureux où, jeune et vigoureux, il gambadait sur les cailloux à la recherche de grosses mouches bien grasses qu'il attrappait d'un seul coup de langue, sans jamais rater sa proie. D'ailleurs, son fameux "coup de langue" n'était-il pas connu jusqu'à Nekob, et ne faisait-il pas figure d'exemple auprès des jeunes caméléons ?

Mais, bien conscient d'être tombé entre les mains du pire prédateur qui soit, caméléon brisé, il arbore déjà un air résigné.

Emu, n'écoutant que mon coeur, je sacrifie mon dîner, pourtant si nécessaire face à ce qui m'attend le lendemain, et propose donc une boîte de sardines à l'huile en échange de l'animal. La petite reptilophage est absolument ravie du troc. Elle ouvre la boîte, se met de l'huile partout sur les mains, puis se met en tête de conduire mon vélo sur la piste (dont elle graisse largement les poignées).

Bref, au bout de deux heures, après avoir porté elle, son frère, sa soeur et ses deux cousines sur la piste, un affreux sur le porte bagage avant et un autre sur le porte bagage arrière, je peux enfin installer mon bivouac. Je ne dors pas tranquille et me réveille plusieurs fois en sursaut cauchemardant qu'un serpent vient me chatouiller l'oreille.

Je relâche le caméléon au milieu de la nuit.

Le lendemain, paysages superbes jusqu'au Tizi N Tazazert qui est plus haut d'au moins 100 mètres que ce qui est indiqué sur la carte, d'après mon altimètre. Soit donc 2300-2350 mètres.

Une fois arrivé à Boulmane Dadès, je prends le bus jusqu'à Marrakech. Eh oui, je n'ai pas fait la fameuse route du Tizi N Tichka en vélo... Mais le vent était de face et violent, et de toutes façons, ce n'est que partie remise...

Arrivée à Marrakech où je visite quelques palais. Il y a pas mal de cigognes qui ne semblent pas trop malades, sauf celles-ci qui ont construit leur nid n'importe comment et qui s'inquiètent du fort vent qui secoue la ville.


Puis je passe deux jours dans l'atelier d'un dénommé Taib, bijoutier créateur qui fait de fort jolis bijoux, est fort sympathique et me fait découvrir deux ou trois techniques. Il est tellement célèbre et sollicité dans le quartier que, tout le temps dérangé, il a du mal à trouver le temps de travailler.

Et voilà !!